Saison Washington : Episode 2 : La constitutionnalité des suppressions de dettes étudiantes aux Etats-Unis : Biden sous pression ?
La constitutionnalité des suppressions de dettes étudiantes aux Etats-Unis : Biden sous pression ?
Depuis son arrivée au pouvoir en
janvier 2021, le président américain Joe Biden s’est engagé à régler la
question des prêts étudiants, un enjeu majeur pour de nombreux jeunes
Américains. Cependant, la tâche s’annonce difficile, d’autant plus que certaines
affaires liées à ces prêts sont en cours de jugement par la Cour Suprême, ce
qui apporte une pression encore plus imposante sur les épaules du gouvernement.
Les coûts colossaux des frais universitaires : des
dettes à n’en plus finir…
La situation des prêts étudiants aux
Etats-Unis est un véritable problème de société, avec plus de 47 millions
d’Américains endettés pour un montant total de plus de 1 700 milliards de
dollars. Un étudiant américain est en moyenne endetté de 32 000 € à la fin
de ses études, ce chiffre est d’autant plus frappant lorsqu’on le compare avec
le coût dérisoire des frais universitaires en France qui s’évaluent à quelques
centaines d’euros. À titre d’exemple, c’est seulement en 2004
que Michelle (Université de Princeton et Harvard Law School) et Barack Obama
(Université Columbia et Harvard Law School) ont terminé de rembourser les prêts
qu’ils avaient contractés. Ils avaient pourtant terminé
leurs études en 1988 et 1991… Depuis de nombreuses années, les universités américaines ont
considérablement augmenté leurs frais de scolarité, poussant de plus en plus
d’étudiants à emprunter pour financer leurs études.
En réponse à cette situation et
en raison de la pandémie de Covid-19, le président Biden a pris des mesures
pour alléger le fardeau de la dette étudiante. En mars 2021, il a signé un
décret suspendant les remboursements de prêts étudiants jusqu’en septembre 2021
et a appelé à une annulation partielle de la dette étudiante.
En août 2022, il a mis en place
une mesure révolutionnaire visant à supprimer 10 000$ de dettes pour
chaque étudiant emprunteur gagnant moins de 125 000$ par an. Certes, cette
mesure a fait des millions d’heureux mais elle a aussi grandement divisé au
sein du Sénat.
D’une part, les sénateurs démocrates Chuck
Schumer et Elizabeth Warren ont salué « un pas de géant vers la résolution
de la crise de la dette étudiante ».
D’autre part, la cheffe du parti républicain, Ronna McDaniel, a jugé que cette mesure « punissait injustement les Américains qui ont économisé pour l’université ou fait un choix de carrière différent ».
Etudiants partageant leur joie après la mise en place du « plan Biden » |
Les obstacles juridiques au « plan Biden »
Comme tout était trop beau pour
être vrai, des obstacles juridiques se sont dressés sur le chemin de l’administration
Biden.
Une seule et unique question
brûlait les lèvres des juristes et politiques : La Constitution américaine
confère t’elle au Président l’autorité légale pour annuler les dettes
étudiantes ?
Ainsi, de nombreux Democrates soutiennent
que le chef d’Etat Américain dispose de l’autorité d’agir en vertu de la loi
fédérale sur l’enseignement supérieur appelée « Heroes Act »
disposant que le Secrétaire de la Maison-Blanche a le droit d’annuler une dette
dans le cas où le pays ferait face à une situation de crise majeure.
D’autres comme les Républicains estiment
qu’une telle action nécessiterait une intervention et une autorisation
explicite du Congrès, et que la loi « Heroes Act » ne confère en
aucun cas la possibilité au Président d’annuler les dettes étudiantes sous
prétexte que la crise du Covid-19 est une situation de crise majeure. En ce
sens, le « plan Biden » a fait l'objet de plusieurs actions en
justice de la part de procureurs généraux et de groupes juridiques
conservateurs.
En effet, lors d’un arrêt rendu
en novembre 2022, Mark Pittman, un juge fédéral du Texas anciennement nommé par
Donald Trump, a statué que le plan du président Joe Biden visant à annuler des
centaines de milliards de dollars de dettes de prêts étudiants était illégal et
devait être annulé. Il a même déclaré que ce plan caractérisait "l'exercice
inconstitutionnel du pouvoir législatif du Congrès », en rappelant que d’après
l’article I de la Constitution, seul le Congrès est détenteur du pouvoir
législatif et non le président des Etats-Unis d’Amérique.
Dans la continuité des
contestations sur la constitutionnalité du plan Biden, la Cour Suprême a entendu
les arguments de défense de l’entourage du Président lors de la tenue de deux
nouveaux procès le 28 février 2023. Dans le premier, six Etats dirigés par le
Parti Républicain ont intenté une action en justice contre le Président
affirmant qu’il outrepasse son autorité en supprimant les dettes étudiantes.
Dans le second procès, la Job Creators Network Foundation, une organisation de
défense des intérêts des conservateurs, accuse également le Président d’abuser
de son pouvoir.
Ces deux
décisions constitueront les 2 premières décisions de la Cour Suprême concernant
la constitutionnalité de la suppression des dettes étudiantes par le Président.
Elle ne s’était encore jamais prononcée sur cette question auparavant, ce qui
rend les audiences encore plus intéressantes.
Et maintenant, quel avenir pour la dette étudiante aux
Etats-Unis ?
Il est évident que la décision de
la Cour Suprême dans ces deux affaires aura des implications considérables pour
l’avenir de la dette étudiante aux Etats-Unis. Les étudiants et les diplômés
espèrent que les décideurs politiques trouveront une solution pour alléger le
fardeau financier qui pèse sur eux, ce qui leur permettrait d’accéder à l’éducation
supérieure sans avoir à s’endetter de manière excessive. L’engouement est tel
que de nombreux étudiants manifestent actuellement en face de la Maison Blanche
à Washington pour faire entendre leurs voix, espérons que l’issue du procès
leur sera favorable.
Antoine GARBE
La Cour Suprême permet au public d’accéder gratuitement à
ses audiences mais les places y sont très réduites. Si vous voulez avoir cette
chance d’assister à une des audiences, il faudra passer la nuit dehors dans la
file d’attente, le réveil très matinal n’étant pas suffisant pour entrer dans
les premiers (je parle en connaissance de cause malheureusement…)
Etudiants manifestant
devant la Maison Blanche
Sources :
- Supreme Court: Student loan
borrowers praise Biden plan (cnbc.com)
-
U.S. judge strikes down Biden's
student debt relief plan | Reuters
-
Article
I - Legislative Branch | Constitution Center
-
Experts disagree on whether HEROES
Act allows for debt relief (insidehighered.com)
-
Les
frais de scolarité des universités américaines Jumelage
- Annulation de la dette étudiante aux États-Unis : la fin d'un totem néolibéral (lvsl.fr)
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