All rise for the Supreme Court of Georgia!


J'ai remarqué qu'une grande partie des derniers posts sur ce blog étaient l'oeuvre de Thomas, qui confirme ses talents multiples, notamment celui de garder un esprit normal en faisant du fiscal. Je me permet néanmoins d'interrompre sa série d'articles pour en écrire un moi même, qui, pour changer, parlera du droit dans le sud des Etats-Unis. Ce bon vieux Sud où les rednecks locaux devisent autour d'une bud light tiède en espérant que "The south will rise again" et qu'ils pourront virer les Yankees de Washington (non, ce n'est pas une équipe de Baseball). Un sud où, au vu des récents évènements violents ayant eu lieu aux Etats-Unis, on s'arme de façon conséquente (les ventes d'armes ont augmenté de plus d'un tiers, les demande de permis de porter une arme en public de plus de deux tiers, et étonnamment, je ne me sens pas plus en sécurité). 

Et surtout, un sud où dans certains états, comme en Géorgie, la peine de mort existe toujours. Il est d'ailleurs assez particulier de se dire que, très théoriquement bien entendu, car ne n'est pas quelque chose qui arrive par hasard, on peut être condamné à la peine de mort lorsque l'on y vit. Pourquoi je vous parle de tout ça? Et bien parce que j'ai eu la chance et l'honneur d'assister à une audience de la Cour suprême de l'Etat de Géorgie dans une affaire criminelle où l'accusé a été condamné à la peine de mort, audience qui se tenait dans les locaux de mon université. Je vais essayer d'être simple dans mon récit et mes explications, j'espère que cela vous intéressera.

Je vais tout d'abord vous exposez le contexte dans lequel cette affaire est arrivée jusqu'à la cour suprême de cet Etat, faits et procédures, puis le déroulement de l'audience en lui même. (Prenez en de la graine les jeunes, ça c'est de l'annonce de plan!)

Les pourquois, les comments

Pourquoi une audience dans l'université de Géorgie?

C'est la première chose qu'il me faut éclaircir : que faisait la Cour Suprême de Géorgie dans ma brave université ? Il s'agit en fait d'une chose régulière : la Cour suprême se déplace dans différentes universités de l'Etat pour certaines audiences, pour un soucis de donner aux étudiants un aperçu de leur travail. La démarche est intelligente, elle est une très bonne occasion pour les étudiants de la Law School de voir un cour en pleine audience, sans avoir besoin de se déplacer. Le choix de UGA (l'université où je me trouve, pour ceux qui ne suivent vraiment pas) n'est pas anodin, il s'agit de la plus grosse université de Géorgie, et sa faculté de droit fournit de nombreux avocats et juges pour toute la Géorgie; pour prouver que je ne fais pas de l’esbroufe, deux des juges siégeant sont issus de ma faculté.
La faculté est parfaitement en état d'accueillir la Cour, en effet, les bâtiments inclut une salle d'audience grandeur nature, parfaitement utilisable (et utilisée, du coup). Elle sert normalement pour des Moot Court, ou d'autres compétitions ou reconstitution de procès.

Ici, vue depuis le siège du juge qui préside l'audience. Les tables sont pour les parties, et à gauche hors cadre se trouve les bancs pour un éventuel jury.


Dans le cas de cette session, deux affaires étaient entendues : une affaire criminelle portant sur une condamnation à mort, et une affaire de responsabilité médicale. C'est la première qu'il m'a été donné de suivre.
Un petit mot sur la Cour elle même : Chaque état fédéré dispose de sa propre cour suprême, bien qu'elle ne s'appelle pas toujours Cour Suprême d'ailleurs. Sa constitution est différente selon chaque état, puisqu'elle faite selon la Constitution de chaque état. 
En Géorgie, la Cour Suprême est constituée de 7 juges, élus pour 6 ans, renouvelables plusieurs fois. 

Pourquoi la peine de mort?

Je l'ai dit en intro, la Géorgie est un des états qui condamnent encore à la peine de mort. Les informations sur la possibilité de condamner à la peine de mort, et les différents recours ouverts contre une telle décision sont extrêmement vastes et extrêmement complexes, je ne peux pas vous les expliquer ici, ça me prendrait trop de temps. Je vais donc faire simple, d'abord en vous parlant des cas dans lesquels elle peut être prononcée, et des grandes lignes de son application. 
Elle peut être prononcée pour les crimes de meurtres, d'enlèvement avec demande de rançon ou violence et si la victime en décède, de détournement d'avion et de trahison. Elle doit être expressément requise par l'accusation.
En cas de condamnation à mort, le condamné subit une injection létale (chaise électrique déclarée illégale en 2001). Le condamné peut former un pourvoi contre sa condamnation auprès de la Cour Suprême de l'Etat pour obtenir un nouveau procès. Il peut également par la suite former un recours auprès de la Cour Suprême des Etats-Unis, mais en général à moins qu'un droit constitutionnel ait été violé, il est assez rare que la Cour accède à ces requêtes.
Enfin, pour donner une idée de la place que prend la peine de mort en Géorgie, quelques chiffres : 52 exécutions depuis 1983 (la peine capitale fut abolie en 1972, remise en 1973 selon un cadre plus restreint, et la première exécution après cette remise en place eut lieu en 1983); 97 personnes, dont 1 femme, en "attente" d'exécution; 5 personnes furent déclarées innocentes en étant dans le "couloir de la mort"; 7 personnes furent graciées (le plus souvent, peine changée en prison à vie). 
Statistique plus effrayante : 90% des condamnés à mort n'ont pas les moyens de se payer un avocat, et s'en voit attribuer un d'office. De fait, la plupart des pourvois contre une décision de peine de mort inclut une demande basée sur l'incompétence de la défense (droit constitutionnel aux USA). Malheureusement, même être ivre en plein procès (article en anglais, mais ça ne devrait gêner personne) n'est pas un argument suffisant pour prouver l'incompétence de la défense...

Comment cette affaire est-elle arrivée devant la Cour Suprême de Géorgie?

Vous l'avez bien compris, il s'agit dans le cas de l'affaire que j'ai suivi, d'une personne condamnée à mort qui forme un pourvoi contre la condamnation, c'est à dire qui estime que certaines règles (ici, de procédure et de preuves, mais j'y reviendrai) n'ont pas été respectée. 
Je ne vais pas décrire les faits, terribles, ici; vous pouvez les trouver sans problème sur internet en cherchant bien. Je me contenterai de dire que les faits seraient en France visés par l'article 221-4 (1°) du code pénal, avec la circonstance aggravante visée dans le dernier paragraphe, après "Toutefois". En France, l'accusé pourrait donc être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Il s'agit de l'équivalent d'un pourvoi en cassation, cela s'appelle en anglais un appeal, bien qu'il n'ait ni lieu devant une Cour d'appel, ni la forme et le but d'un appel. Dans le cas de la peine capitale, le condamné est toujours entendu par la Cour Suprême directement après la première décision, qui ne peut rejeter sa demande sans l'examiner entièrement.

J'ajoute enfin que trois personnes étaient visées par les poursuites : un homme, une femme, et leur fils. C'est l'homme qui a été condamné à la peine capitale et qui est représenté devant la Cour ce jour là. Le fils a été déclaré incapable d'être jugé en son état, ce qui a pour effet majeur d'écarter la possibilité qu'il soit jugé jusqu'à ce que le motif d'incapacité disparaisse. Etant donné que le motif en l'espèce est que le fils est mentalement déficient, et qu'il a déjà 37 ans, il y a peu de chance qu'il soit un jour jugé. En attendant, il est détenu. La mère a été condamné à 60 ans de prison, le procureur ayant recherché contre elle une peine relativement "légère" car elle a aidé l'accusation, notamment en témoignant contre son mari. 

Le déroulement de l'audience

Nous entrons ici dans la partie vivante de cet article : l'audience en elle même. Pour faire des jolies parties bien délimitées, je parlerai d'abord de la cour en elle même, ses juges et le début de l'audience, puis de l'intervention des avocats. 

Installons nous dans la salle

Vous avez pu constater sur la photo que j'ai mise plus haut, la salle où va se dérouler l'audience est assez classe. La salle est comble de spectateurs, il y a eu plusieurs centaines de demande pour pouvoir y assister, beaucoup de refus évidemment (moi je connaissais du monde, c'est pas pareil). Sont également installés les avocats de la défense, les membres du bureau du procureur, le baillif (huissier audienceur en français, non pas que ça aide beaucoup plus à comprendre son rôle), et quelques officiels supplémentaires. L'accusé et les parties civiles ne seront pas présents, ici, on juge la validité du procès qui s'est tenu avant, pas les faits, de ce fait, ces derniers n'auraient pas grand chose à dire; d'autre part, les mesures de sécurité nécessaires à faire venir le condamné dans la salle de l'université rendrait sa venue quasiment impossible.
Puis soudainement, le baillif, qui est une femme d'ailleurs, se lève, frappe la table d'un coup de marteau, et annonce "All rise !". Tout le monde se lève, et la Cour entre. Chaque Justice s'installe derrière le grand bureau, chacun derrière le petit panneau à son nom. Dans la salle, tout le monde connait le nom des juges, c'est comme ça aux Etats-Unis, les juges sont les stars du Droit.

[Petit aparté, pour bien faire comprendre ce que je veux dire par là : aux Etats-Unis, les juges sont connus de tous. Du moins, ceux des Cours Suprêmes des différents états, et ceux de la Cour Suprême des Etats-Unis, tout simplement parce que ce sont eux qui sont les rédacteurs des principales grandes théories juridiques, alors qu'en France, c'est un rôle qui est plutôt dévolu aux professeurs. Pour vous illustrer tout ça, pensez à 3 grands professeurs de droit français (pour les L1, pensez à un auteur, ce sera déjà bien). Bon, maintenant, pensez à 3 juges de la Cour de Cassation. Et bien aux Etats-Unis c'est l'inverse!
Enfin, il n'est pas rare que pendant un cours, le professeur interroge un étudiant (ou un étudiant interroge un professeur) en lui disant "A votre avis, qu'aurait dit le Juge Untel sur ce cas?", ce qui appelle ici une réponse assez développé, alors qu'en France cela se conclurait par un concis, mais clair, "Je sais pas, et je m'en fous".]

Il est autorisé de parler de ou de s'adresser aux juges de la Cour Suprême par "Your honors", "Justices" ou même "Members of the Supreme Court". "La dream team" est néanmoins déconseillé.

Ces juges-stars donc, entrent dans la salle dans un silence respectueux. Première remarque, ils ne sont que 6 sur 7 juges. Il sera expliqué, par la suite, que le septième n'a pas pu venir pour cause de maladie. Pour les fins observateurs que vous êtes, vous allez vous demander pourquoi il n'a pas été remplacé ! Et bien, tout simplement parce que les tribunaux aux Etats-Unis sont une affaires de personnes, pas d'institution. Ainsi, si un juge n'est pas disponible, comme dans le cas présent, il n'est pas remplaçable, l'important c'est d'être jugé par les personnes qui ont la capacité, qui sont investis du pouvoir (dans ce cas là, par une élection) de juger les habitants de l'état. Encore une fois, cela s'explique par la culture, et l'histoire du développement juridique aux Etats-Unis, je pourrais en parler pendant des lignes et des lignes, mais je sens que je vais vous perdre !

Enfin, et avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques jeunes diplômées défilent devant la Cour pour prêter serment, afin de valider leur entrée au barreau de Géorgie. Chose assez amusante, et je vous promet que je n'invente pas d'effet dramatique pour enrichir mes histoires, mais l'une des personnes qui prêtaient serment ce jour là est l'homme qui soutenait l'accusation dans l'affaire que j'avais raconté auparavant qui se déroulait devant le tribunal de la ville. Moment assez émouvant pour eux, jeunes avocats, qui ont l'occasion de prêter serments pour la plupart dans le lieu même où ils ont reçu leur éducation juridique. Ils sont néanmoins évacués rapidement, il y a du pain sur la planche !

Tout d'abord, le justice qui préside l'audience, qui est une femme d'ailleurs, fais un rappel du nom du condamné, de ce à quoi il a été condamné, de la procédure devant le premier tribunal. Elles expliquent ensuite la manière dont va se dérouler l'audience, et là je suis assez surpris. En effet, elle annonce que chaque partie disposera de 30 minutes de temps de parole (normalement 20 minutes, dans une affaire où il y a peine capitale, on rajoute généreusement 10 minutes), qui seront comptabilisées par un gros chronomètre rouge qui est disposé à côté du bureau des juges. Il est précisé qu'il n'est pas obligatoire de tout utiliser d'un coup, mais que chacun budgete son temps comme il le souhaite, étant entendu que ce sont les avocats du condamné qui commenceront (en effet, ils sont les demandeurs dans ce procès, puisque ce sont eux qui ont formé la demande! Piège!). Même si cela peut paraître court, il s'agit seulement pour les parties de réitérer par oral, des arguments qu'ils ont déjà soumis à l'écrit à la Cour plusieurs semaines auparavant. En fait, durant les deux plaidoiries, il s'agira plutôt pour les juges d'obtenir des clarifications sur ces arguments, et pour ce faire, ils interrompent régulièrement les plaidoiries de chaque parties, par des questions précises sur certains points, et parfois je dois le dire, de façon assez "agressives", ce qui déstabilisera parfois les avocats de chaque côté. 

La défense !

La défense soutient à l'appui de sa demande, trois séries d'arguments : l'une portant sur la constitution du  jury, l'autre portant sur la manière et les circonstances dans lesquelles l'accusé avait avoué avoir commis le crime, et enfin, un argument portant sur un incident d'audience relativement grave. Avant d'expliquer les arguments précis qui ont été développés, je veux préciser deux choses : tout d'abord, les deux premières séries d'arguments visent des droits qui ont été reconnus à valeur constitutionnelle, à savoir celui d'être jugé par un jury impartial (VIe amendement) et celui de ne pas être obligé de témoigner contre soi-même (Ve amendement). Ensuite, vous allez voir que les arguments soulevés porteront sur des détails, des points techniques précis, et que pour certains, l'avocat du condamné n'a pas énormément d'éléments pour appuyer ses arguments. Cela tient en partie au fait que dans le cas d'un procès criminel, un avocat peut soulever tous les arguments qu'il souhaite, même les plus anodins, sans risque pour lui de se le voir reprocher, ce qui n'est pas le cas dans un procès civil, où l'avocat se doit de ne soulever que des arguments pertinents, et étant suffisamment appuyés par les faits. De ce fait, en matière criminelle les avocats jouissent d'une liberté bien plus grande pour défendre leur client; et dans le cas de la peine capitale cette liberté est la bienvenue.

Les arguments relatifs à la constitution du jury

Ici, il s'agit pour la défense de montrer que le jury qui a pris la décision de la condamnation à la peine capitale n'avait pas été constitué de façon à garantir son impartialité. En effet, aux Etats-Unis, la constitution d'un jury diffère radicalement de la conception française. En France, on estime qu'en tirant au sort les jurys sur les listes électorales, et en offrant la possibilité à l'accusation et à la défense d'en écarter certains, cela sans avoir besoin de donner une quelconque raison. De plus, très peu d'informations à propos des jurés sont données (nom, prénom, profession et date de naissance), difficile d'estimer qu'il n'est pas impartial sur la seule base de ces informations. L'impartialité découle donc du fait qu'en France, la constitution du jury tient en grande partie au hasard, et l'on estime que le juré est une personne moyenne représentative, parce qu'il a été pioché au hasard, et que de ce fait, il est raisonnable de penser qu'il tombe dans cette catégorie.

Aux Etats-Unis, la pratique est totalement inverse : l'on part du principe que pour avoir un jury impartial, il faut s'assurer que chaque juré qui participera au vote est bien une personne impartial et représentative du peuple. Pour cela, la sélection des jurés est infiniment plus longue et fouillée. Les jurés sont soumis à un questionnaire approfondis sur leurs vies, leurs expériences avec la justice, leurs préjugés éventuels, ainsi que les différentes sortes de condamnation qu'ils seraient prêts à envisager. Ensuite, le ministère public et les avocats de la défense peuvent écarter autant de jurés qu'ils le souhaitent, pour peu qu'ils aient une raison valable de le faire, même si le juge peut refuser d'écarter un juré s'il estime que la raison évoquée n'est pas suffisante. Par la suite, et comme dans le cas que je vous présente, il est commun qu'une condamnation soit remise en cause parce qu'un juré qui n'aurait pas du être inclus dans le jury l'a été. Il faut également ajouter que de nombreuses personnes répondent volontairement des choses fausses pour échapper au devoir d'être dans le jury pour diverses raisons (principalement pouvoir continuer à travailler).

Et pour certains observateurs, les avocats utiliseraient parfois des prétextes fallacieux pour constituer le jury.


Je vais encore mettre des titres dans des titres, désolé, mais c'est le seul moyen efficace que j'ai pour structurer un peu mon récit, et faire en sorte que chaque partie ne parle que d'un élément précis. Chaque titre de partie sera une phrase résumant l'argument soulevé par la défense.

Le jury n'était pas impartial, car il était tiré au sort dans un endroit trop proche géographiquement du lieu du crime

Je vous ai donc expliqué que le jury devait être constitué de "personnes moyennes représentatives", or, il a été considéré à plusieurs reprises, notamment dans l'état de Géorgie, que dans les cas de crimes graves ayant eu un retentissement particulier dans la communauté, il était nécessaire pour un obtenir un tel jury d'aller piocher dans un county éloigné de l'endroit où s'est déroulé le crime (un county est un découpage administratif et judiciaire, l'unité de base après la commune aux Etats-Unis, cela correspond, en Géorgie du moins, en gros à la taille d'un canton français). Cette règle a par ailleurs été respectée dans le cas présent, puisque la personne a été jugé par des jurés qui faisaient parti d'un county se situant à environ 150 kilomètres de l'endroit où le crime a été commis.
Alors il n'y a pas de problème? Et bien si, car durant l'enquête auprès des jurés, un certain nombre d'entre eux ont déclaré avoir entendu parler de l'affaire. Or, si ce nombre est proportionnellement trop important par rapport au nombre total de jurés susceptibles d'êtres tirés au sort, il est estimé que la "délocalisation" n'a pas été suffisamment lointaine pour permettre de protéger le droit à un jury impartial de l'accusé (le seuil est fixé à 20% des jurés "sélectionnables" avant qu'ils aient remplis le questionnaire dont je vous parlais plus haut, selon un arrêt rendu par la Cour Suprême de Géorgie). C'est ce que l'avocat du condamné s'est efforcé de démontrer.
Bien que cela semble assez en accord avec la logique qui veut que les jurés ne soient pas influencés par ce qu'ils ont pu entendre ou lire sur l'accusé en dehors du procès, je me permet de douter qu'ils soient de nos jours capables de trouver des personnes qui n'ont rien entendu à propos de l'affaire à moins de changer d'état. De surcroît, si un nouveau procès devait avoir lieu, il serait absolument impossible de trouver des gens "moyens" en Géorgie qui n'ait pas entendu parler de l'affaire : il n'y a pas énormément de condamnation à mort en Géorgie, quand il y en a, elles font la une des journaux.


Le jury n'était pas impartial, car l'un des jurés potentiels n'a pas été écarté alors qu'il aurait du l'être

Pendant la phase d'enquête auprès des jurés, sont notamment posées des questions portant sur les condamnations qu'ils seraient prêts à envisager s'ils étaient amenés à participer au procès. Le but est de n'avoir dans le jury, que des personnes qui sont prêtes à envisager tout l'éventail des condamnations possibles pour chaque cas, sachant qu'au moment où ils sont sondés, ils ne savent pas quelle affaire ils auront à juger. Or, l'un des jurés potentiels qui a été interrogés avait déclaré qu'en cas de crime sexuel sur mineur, il ne serait pas prêt à condamner la personne à une peine de life imprisonment with possibility of parole (en gros, prison à perpétuité, mais avec la possibilité de sortir sous un régime type liberté conditionnelle). La défense cherche donc à montrer que ce juré aurait du être écarté, car il n'était pas prêt à utiliser toutes les possibilités de condamnation offertes.
Petits détails supplémentaires : ce juré n'a pas été tiré au sort finalement, il n'a donc pas participé au procès en aucune manière. L'argument se complexifie donc, puisqu'il est soutenu que du fait qu'il ait fait parti du panel parmi lequel les jurés ont été tiré au sort, l'accusé n'a pas bénéficié d'un tirage au sort parmi un panel complètement valide. Je ne sais pas si ce type d'argument est souvent reçu, il apparaît légèrement tiré par les cheveux, puisque le panel parmi lequel les jurés ont été tirés au sort comportait plus de 80 individus, mais comme je vous l'ai dit, les avocats dans ce type d'affaire ont une liberté quasi-illimitée sur les arguments qu'ils peuvent soutenir.

Les arguments relatifs à un incident d'audience

Il a donc été vu que le jury devait être impartial lorsqu'il était choisi. Deuxième chose d'importance, il doit le rester jusqu'au jugement. Par exemple, dans de nombreux cas, il est interdit d'évoquer devant les jurés les antécédents judiciaires d'un accusé, car cela pourrait les influencer dans leur décision. De même, et j'en avais déjà parlé dans l'article sur le tribunal correctionnel aux USA, de nombreuses choses ne doivent pas être dites devant les jurés par les témoins, ou par les avocats des parties.
En l'espèce, ces règles ont été brisées par le représentant du ministère public lors du procès pendant lequel l'accusé a été condamné : durant une de ses interventions, il a qualifié l'accusé de "monstre". L'avocat de la défense a immédiatement demander au juge de faire annuler l'intégralité du procès et de le recommencer avec un nouveau jury, estimant que le jury avait été influencé de manière irrémédiable par les propos de l'accusation. Le juge n'a pas accepté cette suggestion, et a simplement demander au jury de "ne pas tenir compte de ce qui avait été dit". 
L'argument soutenu devant la Cour Suprême est que le jury avait été irrémédiablement contaminé par les propos tenus. Il est vrai qu'il apparaît peu probable que le jury oublie instantanément ce qui a été dit simplement parce que le juge leur demande de l'oublier. Test : ne pensez surtout pas à un éléphant rose. Vous voyez ce que je veux dire?

C'est ce qu'on appelle un comic relief.


Les arguments relatifs à la manière dont des aveux ont été obtenus

En matière du droit concernant les aveux aux Etats-Unis, l'arrêt majeur est l'arrêt Miranda v. Arizona. Je n'ai pas spécialement envie de revenir sur le contenu de cette décision dans cet article. Heureusement, j'ai sous la main un power-point fait par une personne brillante et formidable, que vous pouvez consulter en le téléchargeant ici. Il est en anglais, mais ça ne vous fait pas peur.

L'argument en lui même n'est pas très compliqué : l'accusé est reconnu comme quelqu'un ayant une faible capacité intellectuelle, les expertises menés avant le procès estimant qu'il avait un QI de 87, ce qui est relativement faible. De ce fait, il est estimé qu'il n'a pas compris les droits dont ils disposaient, et que de ce fait il n'a pas pu les exercer pleinement. Il s'agit d'un argumentaire complètement calqué sur celui de l'affaire Miranda : l'accusé n'a pas pu exercé ses droits, ses déclarations ne peuvent pas être considérées comme valides.
Le ministère public soutient lui, que l'accusé était parfaitement capable de comprendre ses droits, qui lui ont d'ailleurs été signifiés conformément aux règles posées par la Cour Suprême des Etats-Unis dans l'affaire Miranda. A l'appui de ses arguments, l'accusation explique que l'accusé avait déjà eu des emplois, vivait avec sa famille sans aides extérieures, et qu'il s'est rendu de lui même au poste de police pour être entendu. Il est intéressant de noter qu'ici la Cour Suprême s'intéresse d'assez près aux circonstances et aux faits entourant les déclarations et interrogatoires. 
Enfin, un autre argument est soulevé en même temps, et tenant au même problème de capacité ou non à comprendre ses droits, il est évoqué que l'accusé aurait avoué en pensant pouvoir rentrer chez lui s'il le faisait. Je ne l'évoque que brièvement, car durant l'audience, seulement quelques minutes on été consacrées à ce point.

Les argument du ministère public

Je vais aller très vite, le ministère public n'a pas d'argument à soulever devant la Cour Suprême, à part de dire qu'il considère que les arguments de la défense ne sont pas valables. En effet, le ministère public est satisfait de la décision qui a été rendu et n'a formé aucune demande propre face à la Cour Suprême. Cela rendra ses interventions relativement peu intéressantes, je ne les relaterai donc pas ici.
Je ferai juste mention de quelque chose qui m'a un peu énervé, alors que le représentant du ministère public subissait les questions d'un des juges, qui pointait plusieurs incohérences dans ses propos, il a décidé de répondre totalement à côté d'une des questions posées, pour à la place rappeler de façon violente les faits qui avaient été reprochés à l'accusé. Pourquoi je trouve cela déloyal : la Cour Suprême se prononce sur le droit, et notamment en l'espèce des droits importants car à valeur constitutionnelle, ils ne sont pas censés s'intéresser à savoir si les faits sont graves ou pas. En l'espèce, ils sont terribles, mais cela n'est en aucun cas, surtout aux Etats-Unis, une raison pour priver quelqu'un de ses droits constitutionnels. Cela fait écho à l'incident d'audience dont j'ai parlé plus haut; j'ai néanmoins confiance dans le fait que les juges de la Cour Suprême n'ait pas été spécialement influencé par cette tentative de diaboliser le condamné.

Conclusion

Je n'ai pas grand chose à vous dire en conclusion, la décision n'a pas été encore rendue, je mettrais à jour cet article lorsqu'elle le sera. Cette expérience fut une formidable opportunité de voir le processus derrière une condamnation à la peine capitale, dans un pays qui fait grand cas des droits constitutionnels en matière de procédure pénale notamment. Il y a peu de pays qui offrent à la fois l'existence de la peine capitale, et un système juridique relativement protecteur et cohérent, j'étais donc ravi qu'il me soit donné d'assister à une telle audience.
J'espère que cet article vous aura intéressé, même s'ils contenaient énormément de considérations juridiques, mais c'est ce qui m'apparaissait le plus important pour ce type d'article. 

A tous les étudiants de la GED, en France et à l'étranger, bon courage pour la suite !

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