Saison Singapour : Episode 1 : ‘Majulah Singapura !’ – la fin du gay sex ban

 ‘Majulah Singapura !’ – la fin du gay sex ban

 

             Débarquer à Singapour c’est mettre les pieds dans une ville où les opposés s’entendent à merveille : l’architecture moderne et peu discrète cohabite avec espaces verts, toutes les cultures asiatiques s’y retrouvent, les journées ensoleillées – ou pluvieuses, ça dépend des jours – et parfois stressantes laissent place à des nuits endiablées au Cé la vi, au rythme des Ladies’ Night du mercredi soir pour faire tomber la pression… BREF, la ‘Fine City’ fait rêver.

 

Néanmoins les motifs pour avoir une amende ou aller en prison dans la Cité du Lion sont nombreux. La rigidité légale de la Cité-État est notoirement connue et l’exemple le plus frappant en est la pénalisation des relations sexuelles entre hommes. Vestige de l’époque coloniale britannique, la section 377A du Code pénal singapourien bannit toute relation sexuelle entre personnes de sexe masculin sous peine de 2 ans d’emprisonnement. Ce texte écarte de son champ d’application les femmes ainsi que les animaux – anciennement présents dans la section 377 du Code pénal indien. Lord Thomas Babington Macaulay, historien instigateur de ce texte entré en force en 1862, avait pour idée en tête de protéger l’innocence des soldats britanniques de l’exotisme oriental. Il faut savoir qu’à cette époque, l’Asie ainsi que le Moyen-Orient étaient vues comme un fort symbole d’érotisme.

 

Devenue indépendante en 1965, Singapour a souhaité conserver ce texte, reflet d’une position conservatrice de la part du gouvernement et plaçant le pays parmi les 69 criminalisant cette pratique. Cette prise de position s’inscrit dans le décor de mélanges de cultures et de religions qui caractérisent Singapour. Les communautés bouddhiste, musulmane et chrétienne sont majoritaires.

 

Cela n’a pourtant pas empêché la communauté gay d’Asie du Sud-Est de s’accroître et de voir ses droits. Les critiques envers ce texte fusent de tous les pays notamment car il est considéré comme ne bannissant pas uniquement les relations sexuelles entre hommes mais bien l’homosexualité dans son entièreté. En effet, la communauté gay fait face à une discrimination et une persécution parfois intense dans cette région. Après des années de combat, la Cour Suprême de l’Inde a, en 2018, aboli la section 377. C’est ensuite Taïwan, en 2019 qui a été le premier pays d’Asie à légaliser le mariage gay, puis la Thaïlande en 2022 en approuvant une proposition de loi légalisant le mariage gay. Les militants pour les droits LGBTQ+ des autres anciennes colonies ont vu en ces décisions une lueur d’espoir et notamment celle de Singapour.

 

Luttant contre la section 377 notamment lors de la Pink Dot – rassemblement de la communauté gay  sponsorisé par des multinationales comme Google –, les activistes Singapouriens ont tenté une première fois en 2018 de faire reconnaitre son anticonstitutionnalité devant la Cour d’appel, sans succès et sans explication. En février dernier, le texte a une nouvelle fois été remis en question devant la Cour d’appel qui a alors décidé que la section 377A devait rester en place mais qu’elle ne serait pas appliquée pour poursuivre les hommes. En clair, le texte n’a plus aucune valeur juridique et ne conserve qu’un sens historique car il ne servira pas de fondement pour une quelconque arrestation.

          Si en 2018, 55% de la population soutenait l’application de la section 377A, en juin 2022 ce n’était plus que 44% de la population qui partageait cet avis. Prenant en compte le changement d’attitude envers la communauté gay à Singapour, le Premier Ministre Lee Hsien Loong a annoncé, dans son discours à la suite du National Day, que le gouvernement allait abolir cette loi car selon ses mots, c’est la bonne chose à faire et quelque chose que la plupart des Singapouriens sont prêts à accepter désormais. Les effusions de joie se sont multipliées à la suite de cette annonce malgré un profond désarroi des communautés religieuses, mais certains restent sur leur faim. En effet, le Premier Ministre a énoncé le souhait du gouvernement de conserver et protéger la définition traditionnelle du mariage selon laquelle celui-ci ne devrait être qu’entre un homme et une femme, que ce modèle de couple seul devrait élever des enfants et que ce modèle de famille constitue les fondements de la société.

 

             Quand bien même cela constitue une avancée historique et un premier pas vers l’égalité, plusieurs groupes LGBTQ+ appellent le gouvernement à ne pas répondre aux appels des groupes conservateurs qui veulent inscrire cette définition dans la Constitution car cela reviendrait à stigmatiser une fois de plus la communauté et leur refuser le pied d’égalité. Les prochaines actions du gouvernement sont donc très attendues et nul ne sait quelle sera la prochaine étape dans cette société progressiste mais clivée entre une forte présence religieuse et une communauté soutenue dans le monde entier, notamment par les multinationales basées dans la Cité du Lion qui veulent continuer de développer cette image de hub économique, mondialisé et diversifié. Majulah Singapura ! (En avant Singapour !)

Clémence DECARSIN

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