Saison Berlin – Episode 3 : Les élections fédérales canadiennes d’octobre 2019
Saison Berlin – Episode 3 : Les élections fédérales canadiennes d’octobre 2019
Par Marie Thoraval
Article du lundi 4 novembre 2019.
Justin Trudeau, Chef du Parti Libéral et Premier Ministre du Canada
COPYRIGHT: ADRIAN WYLD/PC VIA AP
Le 21 Octobre dernier, Justin Trudeau, chef du Parti Libéral canadien, a réussi à briguer un second mandat de Premier ministre, mais il devra gouverner sans majorité à la Chambre des communes. La Grande Ecole du Droit (Sceaux) permettant à ses étudiants de partir effectuer un LLM lors de la 4ème année, j’ai décidé de partir au Canada où j’ai eu la chance d’assister aux débats animant les élections d’octobre 2019.
- Présentation générale du système politique canadien
Depuis 1867, le Canada est une monarchie constitutionnelle, membre du Commonwealth, et dont le chef d’Etat est le souverain britannique. C’est une fédération, c’est-à-dire que les pouvoirs sont répartis entre un gouvernement fédéral basé à Ottawa (Ontario) et dix gouvernementaux provinciaux. Le système est calqué sur le modèle parlementaire britannique. Le Parlement fédéral compte deux chambres : la Chambre des communes (élue) et le Sénat (désigné par le Gouverneur général du Canada, sur recommandation du Premier Ministre).
Le Gouverneur général du Canada représente la Reine sur le territoire canadien. C’est lui qui appelle aux élections, tous les cinq ans (selon les termes de la Loi constitutionnelle de 1982) et sur conseil du Premier ministre. Depuis 2017, c’est la Québécoise Julie Payette qui assure la fonction. Le Premier Ministre est le chef de l’exécutif et le personnage politique majeur au Canada. Il n’est pas directement élu par la population, mais il est le chef du parti politique le plus important à la Chambre des Communes. Depuis 2015, c’est le Québécois Justin Trudeau, petit-fils de l’ancien Premier Ministre Pierre-Elliott Trudeau qui assure la fonction.
- Quel bilan pour Justin Trudeau ?
Justin Trudeau s’était présenté comme un candidat droit et intègre qui défendait l’environnement et les minorités. Son bilan est globalement positif, même s’il est teinté de contradictions. Au total, il aurait réalisé 90% de ses promesses, ce qui est plus que n’importe quel gouvernement depuis celui de Brian Mulroney en 1984.
Depuis le début du mandat de Trudeau, plus de 1,2 millions d’emplois nets ont été créés au Canada, dont plus de 300 000 en 2019. La 10ème économie mondiale a un taux de chômage de 5,7% et enregistre au deuxième trimestre de 2019 une croissance de 3,7%. Le déficit budgétaire est à moins de 1% du PIB. Grâce à l’allocation canadienne pour enfants, le revenu médian des ménages canadiens a augmenté de 3,6% au cours des deux premières années du gouvernement de Trudeau. L’allocation canadienne pour enfants est un montant non imposable versé chaque mois à des familles à faibles revenus pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans.
Toutefois, un ralentissement de la croissance est prévu en raison de perturbations économiques au niveau mondial, notamment en raison de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. Du côté de la classe moyenne, le bilan est plus mitigé. Leur salaire hebdomadaire médian a baissé de 0, 2%. On note aussi une injustice fiscale entre les GAFAM de la Silicon Valley et les entreprises canadiennes. Le gouvernement n’a rien fait pour faire payer aux géants du web les impôts qu’ils doivent à la société.
Du point de vue sociétal, le Parti Libéral a réussi à faire passer la légalisation du cannabis et la taxe carbone. Le Canada a également respecté ses promesses d’accueillir de nombreux réfugiés syriens. L’achat pour 7,4 millions de dollars du pipeline Trans Mountain, destiné à acheminer le pétrole des Prairies jusqu’aux côtes de la Colombie-Britannique en vue d’exportations vers les pays asiatiques a mis à mal l’apparent engagement écologique de Trudeau. Il avait justifié cette décision en disant qu’elle bénéficierait aux producteurs canadiens qui exportent pour l’instant l’immense majorité de leur pétrole aux Etats-Unis. « Nous sommes prisonniers du marché américain. » avait déclaré Trudeau. Sur la question des autochtones, le gouvernement libéral a échoué à mettre en place un cadre législatif visant à reconnaître leurs droits. La démission de Josy Wilson-Raybould, première autochtone à être ministre fédérale, n’a pas aidé à améliorer les relations avec les peuples autochtones.
A l’approche des élections, le scandale de SNC-Lavalin, entreprise d’ingénierie montréalaise accusée d’avoir payé 4 millions de dollars de pots-de-vin pour obtenir des contrats en Syrie entre 2001 et 2011 pesait encore sur les épaules du Premier Ministre. En septembre, la publication par le magazine Time d’une photo où on le voit faire un « blackface » à l’occasion d’une soirée étudiante, a encore perturbé sa campagne électorale.
- Une victoire en demi-teinte pour le Parti Libéral
De gauche à droite : Justin Trudeau (Libéral), Andrew Scheer (Conservateur), Jagmeet Singh (NPD), Elizabeth May (Parti Vert), Maxime Bernier (Parti populaire canadien), Yves-François Blanchet (Bloc québécois)
Finalement, le Parti Libéral a remporté le plus de sièges (157). Justin Trudeau brigue donc un deuxième mandat de Premier Ministre. La majeure partie de l’opposition sera issue du Parti conservateur d’Andrew Scheer (121 sièges). Le Bloc québécois d’Yves-François Blanchet, parti indépendantiste et social-démocrate québécois, est arrivé en troisième position (32 sièges) bien qu’il ne soit qu’uniquement présent au Québec.
Les résultats, province par province
Pour avoir un gouvernement majoritaire, Justin Trudeau avait besoin de 170 sièges. Lors de son arrivée au pouvoir en 2015, son Parti comptait 184 élus, soit une satisfaisante majorité. Pour faire adopter ses propositions de loi, le Parti Libéral devra s’appuyer sur le NPD, deuxième force progressiste du pays.
Les Libéraux devront gouverner face à une opposition conservatrice, qui, même si elle n’a pas remporté le plus de sièges au Parlement, a remporté le vote populaire (34,4% des voix, contre 31,1% pour le Parti Libéral). Les provinces des Prairies (Alberta, Saskatchewan), dont l’économie repose beaucoup sur la production de pétrole, sont traditionnellement conservatrices. Dans ces deux provinces, les Libéraux ont perdu tous leurs sièges, ce qui est un indicateur de la division du pays. Un défi pour Justin Trudeau sera de respecter les demandes de ceux qui l’ont choisi, tout en écoutant les revendications des populations de l’Ouest qui risquent de se sentir aliénées du reste de la population.
Au Canada, il est rare pour un gouvernement minoritaire de rester au pouvoir plus de deux ans et demi. A Regina (Saskatchewan), Andrew Scheer a prévenu : « Le leadership de Trudeau est abîmé et son gouvernement prendra fin prochainement. Au moment venu, nous serons prêts et nous gagnerons. »
Au Canada, il est rare pour un gouvernement minoritaire de rester au pouvoir plus de deux ans et demi. A Regina (Saskatchewan), Andrew Scheer a prévenu : « Le leadership de Trudeau est abîmé et son gouvernement prendra fin prochainement. Au moment venu, nous serons prêts et nous gagnerons. »
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