Saison Berlin - Épisode 10 : Le Brexit : le glas du Royaume-Uni, l’aube d’une Irlande unifiée ?
Le Brexit : le glas du Royaume-Uni, l’aube d’une Irlande unifiée ?
Article du 20 janvier 2020.
Par Emma Bouchiat.
Dans les méandres politiques du Brexit une question que beaucoup estimaient disparue réapparaît : que va-t-il advenir des deux Irlande ?
Retour sur les dates importantes de l’histoire de l’Irlande
L’Irlande est reliée dans son intégralité au Royaume- Uni en 1801 par l’acte de l’Union. Commencent alors 120 ans de résistance contre l’Angleterre, suivis de trente années de guerre civile. L’Irlande du Sud devient indépendante en 1921 au terme d’un conflit des plus violents. Dublin devient alors capitale de la République d’Irlande et se dote d’un parlement. Ainsi, les deux Irlande sont séparées en 1921. Au Nord un petit bout d’Irlande reliée au Royaume-Uni et majoritairement protestante. Au Sud, la République d’Irlande, indépendante et majoritairement catholique. Une frontière est alors établie entre les deux Irlande. Cependant, aucune séparation physique n’est visible et le passage d’une Irlande à l’autre se fait sans contrôle aucun (du moins pour l’instant).
Cependant, à partir des années 60 une guerre civile éclate en Irlande du Nord. D’un côté les unionistes souhaitant rester partie intégrante du Royaume Uni de l’autre les nationalistes refusant d’être séparés de l’Irlande du Sud. Cette partie de l’histoire, encore appelée « troubles », reste tragiquement connue pour des épisodes tels que le « Sunday bloody Sunday ». Se multiplieront alors les attentats revendiqués par l’Irish Republican Army (IRA). Le Royaume- Uni gardera une poigne de fer à travers cette période : arrestations multiples entrainant de nombreuses grèves de la faim de la part des résistants, procès précaires, exécutions…. Il est aujourd’hui admis que les forces armées britanniques ont soutenu et aidé les paramilitaires unionistes. Les accords du Vendredi Saint, signés en 1998 mettent fin à cette guerre civile fratricide ayant fait plus de 3 500 morts. Avec ce traité, l’Irlande du Sud s’engage à ne plus revendiquer territorialement l’Irlande du Nord. Le pays s’engage également à désarmer et juger les partisans de l’IRA.
Unionistes, nationalistes et politique interne en Irlande du Nord
Au terme de ces périodes troublées, l’Irlande est toujours divisée en deux et l’Irlande du Nord est toujours reliée au Royaume-Uni.
L’Irlande du Nord dispose d’une administration particulière au sein du Royaume-Uni. Elle est par exemple dotée d’une Livre spéciale valable uniquement sur le territoire irlandais et sur laquelle ne trône pas Elizabeth II mais des personnages historiques propres à l’histoire irlandaise. De plus, dans un souci de pacification, le parlement est élu selon le principe de la proportionnalité et le gouvernement est partagé entre unionistes et nationalistes. Les nationalistes dominés par le parti Sinn Féin souhaitent voir l’Irlande du Nord réunie à l’Irlande du Sud. Les unionistes dominés par le Parti Unioniste Démocrate (DUP) souhaitent rester partie intégrante du Royaume-Uni.
Pour la 1ère fois cette année, le DUP a perdu la majorité lors des élections faisant renaître la peur de violences de la part des radicaux. En effet, le Sinn Féin maintenant majoritaire demande un référendum sur l’unification de l’Irlande mettant en avant la non-existence de la frontière permettant déjà de fonctionner quasiment comme un pays uni. Les tendances s’inversent alors : les unionistes font peser le risque de violences afin de rester dans le Royaume, là où 20 ans auparavant la violence provenait des nationalistes.
L’Irlande et le Brexit
Lors du vote de 2016 sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, 56% des irlandais du Nord votent contre. Soit par véritable envie de rester dans l’Union et de rester proche de Dublin (le cas des Nationalistes) soit par reconnaissance des avantages offerts par l’Union (le cas de certain Unionistes). En revanche, pour les Unionistes les plus virulents, il est impossible d’imaginer une quelconque séparation d’avec le Royaume-Uni. Le Brexit semble briser complètement l’équilibre précaire des accords du Vendredi Saint, basé sur une entente entre Londres , Belfast et Dublin sous surveillance silencieuse de l’Union.
Depuis 2016 et la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union, l’Irlande semble revoir naître ses vieux démons. En effet, la menace de voir apparaître une véritable frontière entre les deux sœurs ennemies fait peur à beaucoup. D’autre part, pour les Unionistes les plus violents, il ne s’agit en aucun cas de quitter le Royaume-Uni et leurs voix commencent à porter de plus en plus fort dans le pays. De nombreuses réunions discrètes commencent à se tenir partout dans les pays.
Les réactions à Dublin sur les différentes possibilités
La Grande Ecole du Droit, formation d’excellence et par essence internationale, permet à ses élèves de 4ème année de partir à l’étranger afin d’effectuer un LLM. Elève en 4ème année, j’effectue actuellement mon LLM à Trinity College à Dublin. Habitant en Irlande du Sud, il est possible de très vite remarquer que l’histoire entre anglais et irlandais n’est pas apaisée et qu’un rien suffirait à ranimer les antagonismes. Ainsi, si vous venez un jour visiter ce beau pays ne vous risquez pas à dire à un irlandais qu’il est anglais ou qu’il leur ressemble…
Lors d’une randonnée dans le Connemara, au détour d’une discussion au Pub, un monsieur d’un certain âge nous a confié son léger amusement à voir les anglais se battre pour leur indépendance. Il a également ajouté, parlant des Gilets Jaunes et avant de finir sa Guinness d’une traite, que « des fois, seule la violence peut résoudre les choses et les irlandais le savent bien »…
Quant à une potentielle réunification de l’Irlande, la population semble mitigée. Pour certains, le Brexit est l’excuse dont l’Irlande avait besoin pour s’unifier et recommencer une histoire commune. Ainsi, à l’approche de la frontière, peut-on voir des panneaux : « Time for Unity ». Pour d’autres, le prix payé dans le passé est bien trop grand pour pardonner.
Seul le temps permettra de dire si ces deux sœurs ennemies, si communes et pourtant si différentes, trouveront une solution pour rester en paix ou si les violences reprendront alors que des familles sont encore en deuils de pères, fils, frères, cousins morts il y a moins de 20 ans.
Une affaire à suivre…
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