Saison Berlin - Épisode 14 : Londres, une ville fantôme ?
Londres, une ville fantôme ?
Article du Lundi 2 Mars
Par Tom Bardoux
Cet article ne traitera pas du sujet qui fait l’objet d’innombrables questions et ne fera aucune mention du « B-word » qui me donne désormais la chair de poule. Plutôt, je vais vous raconter l’histoire d’une capitale remplie de maisons et d’immeubles désertés par leurs propriétaires. Un conte dont je suis le témoin tous les jours puisque mon logement se trouve dans le quartier le plus touché de la ville, Southwark.
Les chiffres clés :
En 2020, Londres compte plus de 25 000 logements inhabités. Il ne s’agit toutefois pas d’un problème local puisque toute l’Angleterre est atteinte avec un peu plus de 226 000 habitations inoccupées. Contre toute attente, la capitale du pays se trouve être la plus affectée par ce problème dans laquelle il concerne environ 37,8 logements pour 1000. La valeur totale de tous ces biens à Londres s’élève approximativement à £12,2 milliards contre £56,4 sur l’ensemble de l’Angleterre.
Ces chiffres sont à mettre en perspective avec le nombre de sans abris dans la capitale qui lui s’élève environ à 277 000 personnes. Boris Johnson, lorsqu’il était encore maire de Londres, s’était engagé à réduire considérablement le nombre de sans-abris. Une promesse qui n’a pas été tenue puisque ce nombre n’a fait qu’augmenter et a même plus que doublé une décennie plus tard. Il est intéressant de noter qu’en parallèle de ce problème, Londres se trouve également en pleine crise du logement. Alors que la ville est remplie d’habitations vides, elle ne parvient pas non plus à fournir de logements décents à tous les Londoniens. Il s’agit là d’une conséquence du prix bien trop élevé de l’immobilier dont mon portefeuille a lui aussi pâti. Le Directeur Général de The Project Etopia, Joseph Daniels, a affirmé que le grand nombre d’habitations vides participait lui aussi à la crise du logement à Londres car « Les nouveaux logements ne sont pas construits assez rapidement et le fantôme permanent des propriétés abandonnées aggrave un marché déjà difficile ».
Quelle est l’origine de ce problème ?
La désertion de Londres a débuté il y a déjà quelques décennies mais a continué de s’aggraver jusqu’en 2020. La demande de logement à Londres est aujourd’hui extrêmement élevée, ce qui a conduit à une inflation fulgurante des prix de l’immobilier. Face à ce constat, une contradiction évidente s’impose : si la demande de logement est forte, pourquoi est-ce que tous ces logements demeurent inoccupés ? Londres, victime de son succès, fait l’objet de nombreux investissements immobiliers par des investisseurs étrangers. La demande de logement à Londres étant très forte, la valeur des biens augmente beaucoup, ce qui rend la ville très attractive pour les investisseurs. Ce type d’investissement est appelé « buy-to-leave » puisque des propriétés sont achetées par de riches investisseurs étrangers qui les délaissent par la suite. Ils les achètent pour mieux les quitter.
Quelles sont les solutions qui ont été mises en place pour régler le problème ?
Le maire de Londres, Sadiq Khan, a mis en place plusieurs solutions pour lutter contre la propagation de ces propriétés abandonnées. Tout d’abord, il a appelé les autorités locales à augmenter drastiquement les taxes d’habitation sur les propriétés concernées. Toutes les autorités locales en Angleterre sont désormais habilitées à doubler les taxes d’habitation sur ces propriétés. Une solution qui permet de dissuader ce type d’investissement et d’inciter les propriétaires à ne pas laisser leur propriété inhabitée. En outre, pour mettre un terme au phénomène du « buy-to-leave », le maire a mis en place une nouvelle politique immobilière appelée « First Dibs for Londoner ». Celle-ci donne une priorité d’un mois aux acheteurs qui vivent ou travaillent dans la capitale suivie d’une priorité accordée à tous les acheteurs provenant du Royaume-Uni, qui elle dure 3 mois. Une politique qui permet de s’assurer que les acquéreurs comptant habiter les propriétés qu’ils achètent aient priorité.
Enfin, une campagne appelée « Action on empty homes » a été lancée pour la réhabilitation des maisons vides. La campagne avance notamment que de telles propriétés constituent un réel gâchis, un luxe que ne peut pas se permettre la capitale dans le contexte d’une crise du logement. Ils considèrent que ces propriétés peuvent faire l’objet de réhabilitation pour redynamiser certains quartiers. Leurs objectifs étant, par exemple, de répondre aux besoins de la communauté en créant des opportunités en termes d’éducation ou de travail et en fournissant des habitations abordables aux Londoniens. Enfin, la réhabilitation de ces logements fait sens environnementalement parlant puisqu’elle permet d’éviter de construire de nouveaux logements et donc de limiter l’utilisation de matériaux ainsi que les émissions de carbone. Aujourd’hui, près de 9000 nouveaux logements ont été créés grâce à cette campagne. Cependant, malgré la mise en place de ces solutions », le nombre d’habitations inoccupées ne semble pas diminuer.
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