"L'état de la Crise du Logement en Californie"
L'état de la Crise du Logement en Californie
En novembre 2023, les représentants des pays d’Asie-Pacifique se sont réunis à San Francisco avec pour objectif de « Creat[e] a Resilient and Sustainable Future for All »[1]. Simultanément, une question majeure se posait pour les résidents de la Bay Area : « Where are the homeless people ? ». Oui, où sont ces personnes devant lesquelles « we walked by », dans les rues de la « City ».
C’est l’occasion de nous interroger sur la crise du logement qui touche les Etats-Unis, et plus précisément la Californie, depuis les années 1970[2]. Cette crise qui gangrène les grandes villes californiennes de Los Angeles et de San Francisco, fait l’objet de débats houleux.
Le choix de cet article est d’inviter ses lecteurs et lectrices à se questionner sur ce défi majeur contemporain. Des ressources annexes sont partagées en fin d’article afin d’affiner la compréhension sur le sujet.
L’article a pour ambition d’effacer les préjugés autour du sans-abrisme, souvent perçu comme la conséquence d’un manque de volonté et d’effort des personnes qui en sont victimes. Le sans-abrisme est un phénomène complexe bien loin d’un simple schéma d’addictions et de non-volonté de travailler. C’est un cercle vicieux qui, sans implication des pouvoirs publics et de la société, ne peut que se dégrader.
La crise du logement aux Etats-Unis affecte les populations à différents degrés, allant du déplacement entre quartiers, villes ou régions, jusqu’à l’éviction et au sans-abrisme. Les conséquences qui en découlent relèvent de la difficulté d’accès à l’emploi, de la sécurité physique, mentale et sanitaire des individus. Les conséquences ne sont pas seulement individuelles : elles affectent l’économie entière d’un pays.
De ce fait, l’article s’articule autour de deux parties. Une première partie s’efforcera de dépeindre les différentes causes et diverses doctrines liées à la crise du logement en Californie (I). La seconde partie présentera les actions déployées en réponse à la crise (II).
I. Une crise multifactorielle
Contrairement à ce que laissent entendre les débats de NIMBY (« Not In My Back Yard ») et YIMBY (« Yes In My Back Yard »), il ne suffit pas de construire de nouveaux bâtiments pour pallier à la crise du logement et à l’augmentation des prix du marché. Dans les faits, cette théorie dite du « Filtering » est limitée. Elle ne prend pas suffisamment en compte les réalités et besoins du terrain en ce qu’elle ne propose pas des logements suffisamment adaptés, qui viseraient efficacement les personnes affectées. Par ailleurs, ses effets ne se matérialisent concrètement, sur le terrain, qu’après plusieurs années.
Le problème majeur en matière de crise du logement repose sur l’aspect spéculatif du marché. Les titres de propriété immobilière prennent de la valeur chaque année, et cette hausse du coût du logement n’est pas suivie par une hausse équivalente des salaires des ménages. Ce mécanisme est propice à des dynamiques de gentrifications et, ainsi, de déplacement des populations. Dans un article datant de décembre 2023, CNN listait deux villes californiennes parmi les dix villes mondiales les plus chères à louer : Los Angeles (sixième), et San Francisco (dixième)[3]. Dans un classement datant de février 2024, le site intermédiaire de location listait quatre villes californiennes parmi les dix villes américaines dont le loyer est le plus élevé du pays[4]. Il est important de mentionner que la propriété de biens immobiliers se transfert généralement de génération en génération, favorisant par conséquent des discriminations tant sociales que raciales.
En réponse à cette crise, le gouvernement Californien a adopté un ensemble de lois incitant les propriétaires, les promoteurs immobiliers et les villes à favoriser la distribution de logements abordables (ou « affordable units »)[5]. Ceux-ci doivent être dédiés à des individus en fonction de leurs salaires, ou de leurs âges. Néanmoins, ces lois ne relèvent que d’une politique d’incitation qui ne contraint pas réellement ces acteurs.
En 2011, le gouvernement californien a adopté une loi (réformée en 2017) permettant la création d’un fonds dédié au développement de « affordable units »[6]. Cette ordonnance est une avancée, mais le montant des fonds mobilisés ne permet pas de faire efficacement face aux besoins en matière de logement.
Le législateur californien a également adopté deux lois restreignant l’action des villes qui chercheraient à réduire la densité d’un projet immobilier suivant les standards d’inclusivité[7]. Cependant, ces lois n’ont qu’une portée limitée car elles excluent certaines situations de leur champ d’application.
De manière générale, les mesures prises par les pouvoirs publics sont bienvenues. Néanmoins, leurs effets pratiques restent limités par la culture économique américaine basée sur le libre marché, le « laisser-faire », une culture où les responsabilités sont souvent déléguées à l’individu et aux communautés.
II. Les actions sociales en réponse à la crise du logement
C’est dans ce contexte que les porte-paroles des communautés s’engagent et tentent de trouver des solutions.
Par leurs actions de lobbying, ils tentent d’influencer le législateur californien, et appellent notamment à la reconnaissance d’un droit au logement. Ces organismes poussent à l’adoption de l’AB 2053 (Lee), qui permettrait la création d’un plus grand nombre d’habitats sociaux.
En parallèle, d’autres organismes se sont développés pour proposer des logements plus abordables, comme les « community land trusts » qui sont des associations à but non-lucratif, propriétaires de terrains. Ces associations s’efforcent de protéger les communautés de la spéculation immobilière en permettant une utilisation durable des terrains immobiliers. Le « Tenant Oppourtunity to Purchase Act » (TOPA), et les « Permanent Real Estate Cooperatives » (PRECs) sont d’autres porte-paroles et acteurs engagés pour améliorer l’accès au logement.
Dans la « Bay Area », des associations telles que la « East Bay Community Law Center »[8] s’engagent en faveur d’une sécurité du logement pour tous. À travers ces diverses cliniques juridiques, le centre propose des services juridiques gratuits à des personnes touchées par la crise du logement. Le centre propose également ses services pour la création et l’organisation de land trusts, d’associations et de coopératives dont l’objet est de proposer notamment des logements à des prix abordables.
De son côté, Miracle Messages[9], ses bénévoles, et Kevin Adler, fondateur de l’association et auteur du livre « When We Walk By »[10], s’efforcent de venir en aide aux personnes sans-abris. Par leurs actions, ils combattent les préjugés autour du sans-abrisme, rétablissent un lien social avec la communauté, et proposent un revenu de base pour sortir de la précarité.
[2] https://fortune.com/2023/12/16/california-housing-crisis-policy-failure-threaten-rest-of-the-country/#
[3] https://www.cnn.com/2023/11/30/travel/the-worlds-most-expensive-cities-to-live-in-for-2023/index.html
[5] AB 1287 (2023) reformant CA Gov Code Section 65915-65918 ; AB 1505 (en réponse à la décision Palmer rendue par la cour d’appel de Californie en 2009) ; SB 35 devenu CA Gov Code Section 65913.4 (2018)
[6] Affordable Housing Mitigation Fee Ordinance (2011, amended 2017)
[7] CA Gov Code Section 65589.5 (Housing Accountability Act); Housing Crisis Act (SB 330).
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