Saison 6 - Episode 3 : Un Master à 100 à l'heure by Maher

Mon LL.M. : Un Master à 100 à l’heure

"43 000 étudiants, près de 4000 professeurs, 110 bâtiments, autant de fraternités et de sororités poumons de la vie étudiante de 19 000 jeunes undergraduates, un budget de 4.2 milliards de dollars pour l’année en cours, et un campus que vous n’aurez jamais visité en entier et qui s’étale sur plus d’un kilomètre à la ronde. Bienvenue à USC. University of Southern California.

« Mais où sont les bâtiments A et B ? L’amphi 4 ? Comment vais-je à Fontenay pour mes TD d’anglais ? Et la coulée verte ? Vous m’avez enlevé la coulée verte ?! » Trêve de plaisanteries, on ne va pas se mentir, le campus américain c’est… « autre chose ».

Par où commencer ? Car des choses à dire, il y en a beaucoup. Et Baya de me donner le pouvoir ultime de parler de mon expérience. De moi-même, et de ce que je veux en somme. Pas narcissique du tout comme procédé !

On y vient, premier élément. Saviez-vous qu’on pouvait être professeur à la faculté de droit et être une superstar ? Du genre à devoir prendre des photos et signer des autographes après tous les cours ? Du genre à avoir une liste d’attente de plus de 150 étudiants au début du semestre qui n’attendent qu’une seule chose : que l’un des élus ne « droppe » la matière ? Du genre à finalement obliger la faculté à ouvrir une seconde classe et mettre à disposition un second amphithéâtre avec la séance retransmise en vidéoconférence live sur écran géant ? Non ? Alors je vous présente Professor Scotten.

Donald Scotten – avec son prénom en vogue - enseigne un cours de « Business Organizations » au premier semestre, sorte de pendant américain du cours de « Droit spécial des sociétés » du Professeur Magnier à Paris Sud, qui passe en revue toutes les formes de sociétés américaines et leurs caractéristiques. Avocat conseil en droit des affaires chez Akerman LLP, « Order of the Coif » dans ses années J.D - ça veut dire qu’il était brillant -, il offre également, au second semestre, un cours de « Mergers & Acquisitions » - « M&A » pour les intimes, « Fusions Acquisitions » pour les plus francophiles.

Pr. Donald Scotten recevant le prix de l'adjunct Professor of the Year
Professeur Scotten est captivant et divertissant. Il aime ses étudiants et est proche de ses étudiants. Et ses étudiants le lui rendent bien : en plus de se bousculer à ses cours, ils rient à ses blagues même lorsqu’elles ne sont pas drôles. Ses examens sont justes. Il n’aime ni les pièges sournois, ni donner de mauvaises notes à ses élèves. Professeur Scotten vous donne son adresse mail et son numéro de téléphone personnel. Et, si vous en éprouvez le besoin, vous accepte sur Facebook où vous pourrez « liker » sa photo de profil, tee-shirt décontracté et sourire 32 dents.
Si Professeur Scotten n’éprouve aucune satisfaction à vous voir échouer, il n’est en rien différent des autres sur ce point. Que vous soyez LL.M ou J.D, une année d’études aux Etats-Unis, à 50 000 euros ou plus, en devient un service. Plus que la validation d’acquis donc, les (bonnes) notes priment.


Sans transition. Deuxième point. Saviez-vous qu’environ 110 cours vous étiez proposés par la Law School chaque semestre ? Libre à vous d’en choisir 4, 5, ou 6 selon vos envies et le jeu des coefficients. Vous est également allouée une période d’essai de deux semaines durant laquelle vous pouvez ajouter ou quitter une classe. Nombre d’entre elles comprenant une liste d’attente, vous serez possiblement soumis à un stress intense et vous vous y remettrez probablement au destin, comme si vous ne le faisiez pas assez durant les partiels. Les examens, lorsqu’ils ne sont pas « essays », « papers » ou « oral presentations », prennent la forme de QCM et peuvent être pris sur ordinateur.

L’épanouissement social est au cœur de l’expérience académique américaine. A cet effet, les différentes associations de la Law School proposent, tous les jeudis soirs, le rituel « Bar Review » : soirée alcoolisée durant laquelle des étudiants de droit aguerris débattent la doctrine et discutent la législation votée plus tôt dans la journée. Coutume dans toutes les facultés de droit américaines, le but y est davantage le partage de connaissances juridiques que la découverte de tous les bars de la ville. Evidemment.

Aussi, l’administration propose pléthore d’évènements destinés aux LL.M. : le bal de promo ; une invitation au match de football américain des USC Trojans qui les oppose à l’illustre et éternel rival UCLA dans le mythique Coliseum de Los Angeles, un stade de 93 000 places ayant accueilli les Jeux Olympiques par le passé ; un concert philarmonique au splendide Hollywood Bowl parce qu’on est cultivés ; un match des Los Angeles Lakers - une équipe de basketball paraît-il - au Staples Center ; et plein d’autres.
Le GIP Office (General and International Programs Office) qui est en charge de toutes ces manifestations, il faut le souligner, fait preuve à l’égard de nous, étudiants étrangers, d’un dévouement total : retour de mail en moins d’une heure, quelle que soit la question, quel que soit le problème. Faits à l’appui : et la vice-doyenne de la faculté de m’appeler au téléphone, et tous les membres du bureau de m’envoyer un mail le 13 novembre dernier à l’occasion des tragiques attentats de Paris. Bluffant, et touchant.


Joseph Shew, ancien directeur financier repenti du site immobilier Homestore.com 
Toujours trop long, je m’empresse de finir sur une note plus personnelle - vous l’attendiez plus tôt ? Moi aussi. C’est mon dernier point. Chanceux fus-je d’être sélectionné avec 5 autres étudiants LL.M pour avoir le droit d’intégrer le cours-star de la faculté : “Corporate Fraud”. Le modus operandi est simple. Le fameux Professeur Robert Fairbank, célèbre médiateur de son état, accueille tous les mercredis dans une modeste salle étroite de 30 places, les acteurs principaux des plus grands scandales financiers des 15 dernières années. Ses connaissances. Ses amis. Ses clients. « Executives » d’entreprises les mieux cotées de Wall Street, avocats éminents, juges, et procureurs viennent ainsi partager leur vécu. Digne d’une production hollywoodienne – parce qu’on ne fait pas les choses à moitié à USC - l’intendant passe un extrait vidéo d’un moment-clé du scandale (séquence de procès, passage au journal télévisé, etc.) juste avant que celui y ayant joué un rôle charnière, notre invité, ne face son entrée dans l’obscurité et le silence le plus complet, prêt à débuter son intervention devant un auditoire circonspect lui offrant son entière attention. En somme, un vrai privilège, et le point d’honneur de mes études à ce jour.


Enfin, à cela s’ajoutent : la rédaction d’un article pour la revue juridique de la Law School, en vue d’être publié. Celle d’un mémoire dans le cadre du Master 1 Droit des Affaires et Financier parcours Grande Ecole du Droit. Mon intégration, après trois semaines de tests acharnées, dans l’équipe officielle de « Soccer » de l’université - trois entrainements par semaine, match les week-ends, et le privilège de pouvoir se promener dans le campus vêtu des équipements spécialement confectionnés et mis à disposition par Nike. Rien que ça. Une candidature à préparer pour le discours du futur représentant LL.M. à la « graduation », la remise de diplômes. Bien d’autres candidatures pour les stages d’été et le Master 2 qui se profilent déjà à l’horizon. Mixer le tout et vous faîtes un étudiant déjà à la traîne. Une année bien remplie. Un Master à 100 à l’heure." 

- Maher Hachem (University of Southern California)

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