Saison Berlin - Épisode 5 : Le mouvement indépendantiste écossais face aux élections parlementaires britanniques


Le mouvement indépendantiste écossais face aux élections parlementaires britanniques

Par Claire-Emeline Auduc 
Article du 2 Décembre 2019. 


À l’approche du mois de décembre, difficile de passer à côté de la campagne pour la participation au vote au Royaume-Uni. Dans la rue, à la cafétéria et sur les réseaux sociaux le gouvernement britannique et différents organismes tentent de mobiliser les plus jeunes pour ces élections.
C’est assez exceptionnel pour les britanniques de voter à cette période de l’année. Ces élections « anticipées » sont l’initiative de Boris Johnson, qui espère retrouver une majorité au parlement afin de mieux conduire le Royaume-Uni hors de l’Europe.
Les opposants à ces élections anticipées invoquaient notamment le risque d’un taux de participation faible à cause de l’hiver – pourtant, le nombre d’inscrits sur les listes surpasse celui des précédentes élections, sûrement en raison du contexte politique actuel précédemment expliqué par Charline avec clarté dans son article du 18 novembre.

D’un point de vue écossais, ces élections revêtent une importance tout à fait autre. En effet, pour beaucoup d’écossais ce serait un premier pas vers l’indépendance.

Explications.

Le paysage politique écossais : l’indépendance toujours en filigrane ?

Les instituts de sondage estiment actuellement la victoire du parti conservateur à 68 sièges majoritaires à Westminster.
Pourtant en Ecosse, les conservateurs ne sont pas favoris. En effet depuis une dizaine d’années, c’est le SNP – le parti national écossais - qui gagne du terrain et domine le Parlement Ecossais.

Aujourd’hui, la question de la majorité des sièges entre les Conservateurs (Tories), le SNP et le parti travailliste (labour party) est essentielle. 
Ce qu’espèrent le SNP et ses partisans, c’est un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Pour rappel, en 2014 à la question « L’Ecosse devrait-elle être un pays indépendant ? » Le non l’avait emporté à 55%. Pourtant aujourd’hui, une grande partie des électeurs écossais espère un deuxième référendum. 
C’est dans ce sens que va le SNP, qui inscrit dans son manifeste les deux mesures phares suivantes : soit un deuxième référendum sur l’indépendance, soit sur la sortie de l’UE.

Dans tous les cas, l’idée est claire : l’Ecosse souhaite rester dans l’Union Européenne – c’est la menace d’un no-deal Brexit qui pourrait donc faire pencher la balance en faveur de l’indépendance.




(campagne indépendandiste)


Ce qu’en pensent les (jeunes) locaux :

Pour mieux comprendre les enjeux et surtout la mentalité des habitants, j’ai fait pour cet article un tour d’horizon des opinions des plus locals de mes connaissances. Pour Jana*, Indyref 2 (nom donné à un potentiel second référendum sur l’indépendance ; ndlr) est une évidence : « il arrivera, sûrement après le Brexit, mais ce sont ces élections qui donneront le ton sur la manière dont il se produira. » 
Sean*, lui, avait voté OUI à l’indépendance de l’Ecosse, puis NON au Brexit. Aux élections générales de 2015 et 2017, il a voté le SNP – ce qu’il votera également le 12 décembre prochain. Comme beaucoup de jeunes britanniques, ils veulent réduire le nombre de sièges attribués aux Tories.
Sean* est écossais et Faith* anglaise et tous les deux revendiquent la même chose : un meilleur système de santé (NHS) et d’éducation – à l’inverse de l’action des Tories ces dernières années, à qui ils reprochent notamment d’avoir créé un environnement hostile pour les immigrés et les minorités religieuses et d’avoir réduit les effectifs des services d’urgence. 

Dans les revendications les plus précises des indépendantistes, on note une mauvaise gestion financière par le Royaume-Uni et des préoccupations différentes des préoccupations nationales écossaises. 
Se revendiquer indépendantiste en Ecosse n’est pas une position extrême, c’est le fruit d’une éducation et d’une culture différente de celle du reste du Royaume-Uni. Les écossais en ont conscience, sans qu’on puisse parler d’orgueil pour autant. 

Effectuant mon LL.M à l’Université de Glasgow dans le cadre de mon cursus à la Grande Ecole du Droit, j’ai la chance d’avoir rencontré des professeurs aux parcours impressionnants. Lors d’une conférence sur l’avenir du droit de la concurrence au Royaume-Uni après le Brexit (dont je vous passerai les débats, notamment parce qu’ils ne sont que spéculatifs), j’ai assisté à un échange entre un avocat et un professeur de droit écossais, et tous les deux affichaient clairement leur position en faveur d’une Ecosse indépendante. Parce que ce sujet amène bien des questions, un allemand s’est aventuré à provoquer le professeur en demandant s’il pensait que l’Ecosse serait si facilement accueillie par l’UE – ce à quoi il a répondu innocemment « Mais tout le monde nous aime tellement ! » et même si cela semble très cliché, c’est exactement ce que beaucoup d’Ecossais pensent. 

Toutes les élections générales amènent le même refrain s’agissant de l’Ecosse, justement à cause de cette position particulière pro-européenne. Elle est néanmoins à relativiser : beaucoup de problématiques rentrent en compte à court et à long terme et rien ne sera réglé dans les mois qui viennent. Au mieux, ces élections générales pourraient renforcer le SNP par rapport aux autres partis en Ecosse, et amener le débat vers l’indépendance – mais vraisemblablement pas avant les élections écossaises de 2021.

(*Les prénoms sont originaux et les propos ont été librement traduits de l’anglais malgré un fort accent écossais et anglais du nord)

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